La pénurie de l’électricité est malheureusement la marque de fabrique des pays africains au sud du Sahara. Et pourtant comme toujours cette partie de l’Afrique est dotée d’atouts de toutes sortes (chutes, grands fleuves tels le Congo, le Niger, les grands barrages comme ceux d’Inga et de Cabora-Bossa capables de fournir toute l’Afrique en électricité sans oublier le soleil).
La RCA hélas ne fait pas exception. La situation s’est empirée depuis 2007 avec la grave pénurie qui s’est installée depuis douze (12) ans à Bangui et ses environs et qui n’a rien à voir avec le délestage pratiqué jusqu’ici par l’ENERCA.
En effet, le délestage qui sévissait avant 2007n’excédait pas deux (2) heures par jour et trois (3) mois dans l’année correspondant à la période la plus sèche de l’année. Depuis douze (12) ans, les banguissois les plus démunis qui ne peuvent acheter des groupes électrogènes ni installer un convertisseur d’électricité, vivent un véritable calvaire. La durée de privation de l‘électricité est passée de deux (2) à douze (12) heures par jour (certains quartiers de la périphérie en sont privés pendant plusieurs jours), et s’étale sur toute l’année. Les conséquences sont graves et incommensurables, elles affectent tous les compartiments de la vie socio-économique n’épargnant aucun agent économique depuis les ménages jusqu’aux entreprises.
Et pourtant cette grave pénurie d’électricité était prévisible et aurait pu être évitée. En effet, en 2004 l’Agence Française de Développement (AFD) avait commis une équipe d’experts de l’Electricité de France (EDF) pour un audit des installations de Boali 1 et 2 et la situation financière de l’ENERCA.
Le rapport de ses experts de l’EDF est sans appel : les installations de Boali 1 et 2 sont dans un état de défectuosité tel que les travaux de maintenance sont urgents. A défaut de ces travaux, Bangui serait plongée dans l’obscurité.
Le Directeur de l’AFD de l’époque Mr Leveneur avait remis ce rapport au Gouvernement en promettant que son institution était disposée à accorder une subvention de cinq (5) milliards de Francs CFA à l’Etat pour le financement des travaux.
En contrepartie de cette subvention, l’AFD avait exigé la création d’une structure autonome de gestion au sein de l’ENERCA sous la forme d’un projet. La gestion catastrophique de l’ENERCA transformé en Office de placement de main-d’œuvre, surendettée, incapable de recouvrer ses créances estimées à plusieurs milliards de francs, explique cette méfiance du bailleur de fonds.
Ce rapport était présenté en Conseil des Ministres par le Ministre des Mines et de l’Energie Ndoutingaï et avait suscité deux réactions :
- Une réaction favorable portée par le Ministre des finances que j’étais à l’époque ;
- Une opposition farouche du Ministre de ‘Energie sous le prétexte fallacieux que la création d’une structure autonome de gestion hypothéquait l’indépendance de la RCA. Le président Bozizé qui s’était contenté de suivre les débats et les bras de fer entre les deux (2) ministres, avait conclu en renvoyant la décision du Conseil à la prochaine réunion du Conseil des Ministres.
Nous étions fin décembre 2004 à trois (3) mois de l’élection présidentielle – le conseil des ministres annoncé ne s’était pas tenu, le président qui était en campagne pour son élection avait d’autres priorités.
Elu en avril 2005, le Président Bozizé avait formé un nouveau gouvernement avec Mr Elie DOTE comme Premier Ministre et Ndoutingaï maintenu à son poste.
Le Directeur de l’AFD profitant du changement avait remis au nouveau Premier Ministre le même rapport avec l’espoir que le nouveau gouvernement accorderait une plus grande attention. Mais c’était sans compter avec Ndoutingaï qui avait intoxiqué le Premier Ministre. Ce dernier au cours de l’audience accordée à Mr Leveneur avait repris à son compte les argumentaires du Ministre de l’Energie allant jusqu’ prétendre qu’il était capable en tant qu’ancien cadre de a Banque Africaine de Développement (BAD) de lever plusieurs milliards de francs pour régler définitivement le problème de la pénurie d’électricité à Bangui en augmentant la capacité de production de Boali au lieu d’une simple maintenance des installations préconisée par le rapport de ‘EDF.
Déçu par la réponse, le Directeur de l’AFD en se retirant avait laissé entendre que la subvention de 5 milliards serait affectée à un autre pays africain.
A vrai dire, les deux (2) démarches ne sont pas contradictoires. La démarche préconisée par l’EDF et l’ AFD invitait le Gouvernement à parer au plus pressé c’est-à-dire réparer les vieilles machines de Boali 1 et 2 afin de permettre à l’ENERCA de continuer à fournir de l’électricité à Bangui, ce qui n’est pas incompatible avec la recherche de financement nécessaire à l’acquisition des turbines pour mettre en activité Boali 3 et augmenter la capacité de production de l’ENERCA.
Force est de constater que le Premier Ministre Elie DTE durant les trois (3) années passées à la Primature, n’avait pas obtenu des bailleurs de fonds le moindre franc en faveur du secteur de l’électricité laissé dans un état de décrépitude avancé au moment où il avait quitté la tête du Gouvernement en 2008.
L’entêtement et l’aveuglement des autorités en charge de ce dossier avaient hélas condamné ce rapport à végéter dans les tiroirs et les conséquences n’avaient pas tardé à se manifester. Les prévisions catastrophiques du rapport s’étaient malheureusement produites dès 2007. La ville de Bangui comme prévu est depuis plongée dans l’obscurité et les banguissois privés d’électricité en moyenne 12 heures par jour. Pendant ce temps, Elie Dote et Ndoutingaï coulent des jours tranquilles à l’étranger où ils bénéficient de l’électricité 24 heures sur 24.
Il était important de porter ces informations à la connaissance des centrafricains particulièrement des Banguissois afin qu’ils sachent que la pénurie d’électricité qui les pénalise depuis des années n’est pas une fatalité mieux elle aurait pu être évitée si les dirigeants de l’époque avaient su prendre la bonne décision. Ces dirigeants responsables des souffrances des Banguissois sont connus et ont pour nom Elie Doté et Ndoutingaï respectivement Premier Ministre et Ministre de l’Energie.
La responsabilité du Président Bozizé mérite également d’être soulignée à cause de l’indifférence affichée vis-à-vis d ce dossier. S’il avait usé de ses prérogatives de Chef de l’Etat pour orienter la décision conformément aux intérêts de la population, le pire aurait été évité. Il est vrai que le Président Bozizé durant son mandat, était plus sensible et réactif aux dossiers du secteur minier.
Comme un malheur ne vient pas tout seul, à la grave pénurie de l’électricité est venue s’ajouter cette année celle tout aussi grave de l’eau potable. Et pourtant, la décennie de l’eau potable était fixée par les Nations Unies en l’an 2000. Plus de vingt (20) ans près, cet objectif non seulement n’est pas atteint par le RCA mais pire la couverture en eau potable de la population s’est tellement dégradée que finalement notre pays a ramé à contrecourant de l’objectif. Le spectacle affligeant des bidons jaunes dans les brouettes, les pousse-pousse, les coffres des voitures et autres pick-up, en dit long sur l’indifférence des dirigeants centrafricains vis-à-vis des problèmes sociaux de base de la population, carence qu’on peut étendre à la faillite des systèmes éducatif et sanitaire. Les dirigeants centrafricains qui se sont succédés portent l’entière responsabilité de cette faillite.
Il est grand temps que les dirigeants portent enfin une attention soutenue à la satisfaction des besoins élémentaires des centrafricains.