Les bombardements du centre de détention des immigrés africains à Tripoli.

Bien qu’aucun Centrafricain ne figure sur la liste des victimes de ces bombardements criminels, en tant qu’africain je ne saurais être indifférent au sort réservé à mes frères obligés de fuir la misère pour tenter de gagner l’Europe. Les victimes de ces bombardements viennent s’ajouter à la longue liste des milliers de sub- sahariens engloutis dans le désert du Sahara et la mer méditerranée.

Soixante (60) ans après les fameuses indépendances africaines, on assiste chaque jour aux tentatives des africains de tous âges et sexes, de quitter le continent assimilé à l’enfer sur terre.

C’est le lieu de rappeler ici qu’il a fallu vingt-cinq (25) ans seulement soit une génération aux pays asiatiques (Corée du Sud, Malaisie, Singapour, Taïwan) pour créer de véritables tissus industriels, des infrastructures dignes des pays développés et sortir la majorité de leurs populations de la pauvreté. Les cadavres des immigrés africains rejetés régulièrement

Par la mer symbolisent l’échec des dirigeants africains. Cet échec interpelle les Etats africains, les institutions, (Fonds Monétaire International, Banque mondiale, Union Européenne)

I   La responsabilité des Etats africains ;

Les Etats africains comme chacun le sait, sont dotés pour la plupart des ressources exceptionnelles du sol et du sous-sol. En dépit de ces atouts, l’Afrique au sud du SAHARA est incapable de nourrir ses populations, de créer des emplois pour embaucher des milliers des jeunes africains déversés chaque année sur les marchés de travail les condamnant à risquer chaque jour leur vie dans l’espoir d’une vie meilleure en Europe. Comment expliquer ce paradoxe ?

Plusieurs facteurs parmi lesquels je retiens :

  • La persistance de la mise en valeur coloniale des ressources naturelles des pays africains
  • La mal gouvernance dont les manifestations principales sont la mauvaise utilisation des ressources financières procurées par les ventes des matières premières et la corruption généralisée.

1 – La persistance de la mise en valeur coloniale de nos richesses naturelles

L’accession des pays africains à l’indépendance n’a pas modifié d’un iota la vision coloniale de la mise en valeur de nos matières première consistant à les exporter à l’état brut pour être transformées en Europe. En d’autres termes les économies des pays colonisés fonctionnaient comme de simples appendices des économies des puissances coloniales. Soixante (60) ans après, nos dirigeants continuent d’exporter nos richesses agricoles, minières, sylvicoles à l’état brut privant ainsi nos pays des valeurs ajoutées indispensables pour asseoir une véritable politique de développement. Cet échange inégal a profité et profite toujours aux économies des pays du nord aux dépens des économies africaines.

L’apparition dans le paysage économique africain d’un secteur industriel dans les années 70 ne signifie nullement un infléchissement de la politique économique héritée de la colonisation. Ce secteur industriel est essentiellement constitué des industries de substitution aux importations sans le moindre impact sur les matières premières qui sont toujours exportées à l’état brut. Ces produits de rentes vendus au prix normal auraient pu procurer à ces pays des moyens financiers consistants susceptibles de financer leur développement mais hélas c’est compter sans les dysfonctionnements des marchés mondiaux des matières premières qui font que ce sont les clients qui fixent les prix et non les pays producteurs condamnés à se contenter des miettes. Il est vrai que les prix de quelques rares produits tel que le pétrole ont flambé de temps en temps mais c’est l’exception qui confirme la règle à savoir la tendance à la baisse des cours des produits de base.

Pour tout dire, ce type de mise en valeur de nos ressources naturelles pénalise doublement les économies africaines en les privant des valeurs ajoutées des richesses minières et agricoles cumulativement avec la baisse tendancielle de leur prix. Le manque à gagner est inestimable et explique pourquoi ces économies ne sont pas créatrices de richesses encore moins d’emplois.

En conséquence, ces pays depuis 60 ans sont dépendants des institutions de Bretton Woods, de l’Union Européenne et de la Coopération bilatérale pour le financement des moindres projets de développement et des dépenses de souveraineté pour ceux d’entre eux confrontés à des tensions permanentes de trésorerie.

2- La mal gouvernance

  Le paradoxe africain s’explique aussi par la mal gouvernance illustrée par la mauvaise utilisation des ressources financières et la corruption.

Malgré la tendance à la baisse des prix des produits de base africains, les cours de certains produits ont augmenté dans des propositions significatives procurant des centaines des millions de dollars aux pays producteurs. Rationnellement utilisées, ces ressources auraient permis de financer les infrastructures scolaires, sanitaires, routières, portuaires etc. … bref jeter les bases de construction d’une véritable économie nationale.

Au lieu d’investir dans des secteurs productifs, des milliards de francs ont été engloutis dans la réalisation des palais de luxe, des éléphants blancs, les achats des super villas en France, Angleterre, Belgique, Suisse. L’exemple du fils du Président Nguéma de la Guinée Equatoriale champion des biens mal acquis, est présent dans tous les esprits.

Cerise sur le gâteau, des comptes offshores servant de planques à une partie des ressources dilapidées, ont été ouverts en Suisse et dans des paradis fiscaux privant ainsi nos économies des moyens financiers indispensables à leur financement.

Le second fléau qui gangrène les économies africaines est la corruption qui affecte tous les compartiments des sociétés africaines. De même que le poisson pourrit d’abord par la tête, de même la corruption dans nos pays sévit avant tout au sein des classes dirigeantes et peu à peu s’est étendue à tous ceux qui détiennent la moindre parcelle de pouvoirs.

La matière à corruption est large : surfacturation des marchés publics, dessous de table, petite corruption des fonctionnaires civils et en tenue.

Les conséquences sont catastrophiques pour les économies africaines :

  • Détournement des ressources au détriment des finances publiques
  • Contribution au surendettement des pays africains.
  • Perversion des fonctionnaires qui ont pris l’habitude de monnayer leurs services
  • Fragilisation des administrations africaines minées par la corruption et l’incompétence des agents.

Il faut hélas prendre également en compte la dimension politique de la mal gouvernance symbolisée par le choix des dirigeants politiques incompétents, corrompus.

Les élections dites « démocratiques » qui se tiennent périodiquement en Afrique ne sont pas, dans la plupart des pays africains, le reflet de la volonté populaire. L’exemple des dernières élections générales du 30décembre 2018 en RDC est édifient et symbolisera dans l’histoire des élections en Afrique, la parfaite illustration du viol du suffrage universel.

La responsabilité des dirigeants africains dans l’échec du continent ne doit pas occulter celle de la Communauté Internationale.

II – La responsabilité de la communauté internationale

La Communauté internationale est responsable du choix des dirigeants incompétents et des choix économiques aux conséquences désastreuses pour les économies africaines.

  1. Le choix des dirigeants politiques africains ;

 La logique qui a présidé au choix des dirigeants africains par les anciennes puissances coloniales est simple : éloigner du pouvoir par tous les moyens les patriotes au profit des hommes sans envergure mais acquis au système néocolonial. Cette politique était portée surtout par la France et la Belgique qui n’ont pas hésité à liquider physiquement les militants anti- colonialistes. Au Cameroun UmNyobé , Moumic , Oumdié ont été éléminés au profit de Ahidjio, en Centrafrique Boganda jugé trop nationaliste et panafricain a trouvé la mort dans un mystérieux accident d’avion en réalité un attentat qui ne dit pas son nom, enfin au  Congo démocratique la Belgique, et les Etats Unis ont assassiné Patrice Lumumba, créant un vide , vite occupé par leur homme de main Mobutu, célébrissime dictateur et prédateur de son Etat.

Dérogeant à la règle qu’elle s’est imposée au moment de l’accession des anciennes colonies Britanniques à la souveraineté en respectant la volonté populaire, l’Angleterre a ourdi un coup d’Etat contre le Président Nkruma connu par son nationalisme et son panafricanisme.

L’objectif visé par les puissances néocoloniales est de confier les rênes du pouvoir à des personnalités sans vision stratégique pour leur pays, malléables à volonté avec la mission de veiller sur les intérêts des pays du Nord.

Dans ces conditions, on comprend aisément la déception des peuples africains qui attendaient beaucoup des indépendances africaines.

Les choix économiques

Ecartés du choix de leurs dirigeants, les peuples africains le sont également des choix économiques dictés par les anciennes puissances coloniales et les institutions financières internationales.

Comme indiqué plus haut, l’indépendance des pays africains n’a pas entrainé de rupture avec les choix économiques qui ont prévalu durant la période coloniale. Le tissu économique est toujours dominé par les activités primaires tandis que les activités de transformation limitées à la première ligne de production dans la plupart des cas sont toujours caractérisées par un faible impact sur le produit intérieur brut (PIB)

En matière de monnaie, la plupart des monnaies nationales sont arrimées aux monnaies des anciennes puissances coloniales avec les conséquences que l’on sait sur les économies des pays concernés.

L’échec de cette politique économique postcoloniale a précipité l’arrivée à partir de 1989, des Institutions de Breton Woods (IBW), Fonds Monétaire International et Banque Mondiale, dans les pays sub- sahariens avec les fameux Programmes d’ajustement structurel (PAS)

Conçus par les fonctionnaires de ces Institutions à WASHINGTON et proposés à des pays en butte à une crise financière aigue, ces programmes se sont substitués aux plans de développement économique et social qui ont permis d’enregistrer des résultats positifs dans beaucoup de pays. Les remèdes de cheval du FMI ont provoqué des effets pervers notamment le dégraissage de la fonction publique qui a surtout fragilisé les secteurs de l’Education, Santé et de Sécurité à telle enseigne que les IBW ont mis de l’eau dans leur vin en suggérant des mesures de correction dans le cadre de la Dimension Sociale de l’ajustement « DSAD » Durant trente (30) ans, le FMI et la BM ont imposé leurs solutions « miracle » à nos pays. L’annonce de la mission conjointe de ces deux (2) organisations est un évènement qui mobilise non seulement les experts nationaux mais également les chefs d’Etat, les Chefs de Gouvernent, les ministres, la société civile.

Il arrive que le mémoire sanctionnant la mission du FMI, remis habituellement au Ministre des Finances, soit confisqué par le chef d’Etat qui l’enferme dans un coffre-fort de son bureau à l’abri des « ennemis » de la Nation c’est-à-dire les opposants au régime. C’est vous dire le degré de confiance aveugle de la part de nos dirigeants envers ces institutions.

Et pourtant le miracle ne s’est pas produit. Le bilan de la Coopération du FMI avec nos pays trente (30) après est plus que mitigé. Certes on a assisté à l’amélioration du cadre macro-économique mais le décollage économique et la réduction de la pauvreté ne sont toujours pas au rendez-vous.

A contrario les pays asiatiques ont démontré avec brio qu’il existe d’autre recettes plus efficaces que celles portées par les IBW. Ces recettes sont basées sur le principal facteur de production constitué par les ressources humaines transformées en capital humain grâce à des investissements massifs dans les secteurs de l’Education et de la formation.

Nous nous réservons le droit de revenir sur le miracle économique de ces pays dans une prochaine édition du blog.

L’Afrique compte actuellement près d’un milliard d’habitants. Selon des prévisions, sa population pourrait atteindre 2 milliards en 2050 et environ 375 millions de jeunes déversés sur les marchés de travail. Cette nouvelle donne fait obligation aux dirigeants africains d’opérer une rupture totale avec une politique qui durant 60 ans a enfoncé l’Afrique dans la pauvreté.

Pour en finir avec le paradoxe africain évoqué précédemment, les richesses incommensurables de l’Afrique doivent être transformées sur le continent afin de profiter pleinement à ses enfants. De nombreuses réflexions ont été faites par les africains sur le développement auto- centré de l’Afrique à l’exemple du Plan de Lagos ayant sanctionné le Sommet économique des chefs d’Etats tenu en 1980 dans l’ex capitale du Nigeria. Ce Plan invitait les pays africains à promouvoir l’agriculture, à transformer les richesses naturelles en Afrique et à favoriser la création des Unions régionales afin de profiter des économies d’échelle

Ce qui a donc fait défaut, c’est la volonté politique de nos dirigeants et non un manque d’idées.

Si l’Afrique persiste dans ses choix économiques erronés et la mal gouvernance, les conséquences seraient catastrophiques. Des milliers de jeunes africains fuyant le chômage continueraient à risquer leur vie au Sahara et dans la mer méditerranée, la pauvreté gagnerait des franges de plus en plus importantes de la population et le peu de crédit dont bénéficie encore l’Afrique dans le monde, s’effondrerait

Même les personnes les plus disposées vis-à-vis de l’Afrique commenceraient par se demander si le continent n’est pas atteint par le syndrome Haïtien.      

Nditifei Boysembé

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