Fonds spéciaux ou détournement déguisé des deniers publics ?

Le 12 juillet 2019, l’Assemblée Nationale convoquée en session extraordinaire a adopté la loi des finances rectificative motivée selon le Gouvernement par les incidences financières de l’Accord de Khartoum. Le centrafricain lambda a surtout retenu des débats le montant exorbitant des fonds spéciaux.

Les fonds spéciaux sont des dotations budgétaires mises à la disposition des autorités (Présidence, Primature Ministère de la défense, ministère de l’Intérieur) en vue de financer des dépenses à caractère sensible (sécurité, renseignements etc…) sans tout fois subir la rigueur habituelle des procédures budgétaires.

Cela ne signifie pas, loin s’en faut, l’absence de mesures d’encadrement et d’éthique présidant l’utilisation de ces fonds. Le montant alloué chaque année n’est pas illimité et doit tenir compte des priorités nationales. De la même manière les fonds spéciaux ne doivent pas servir à financer l’enrichissement personnel par exemple l’acquisition des villas, des fonds de commerce etc…

S’agissant des ressources publiques leur utilisation entre autres  doit concourir à sécuriser le pays ,lutter contre la misère et contribuer au retour de la paix. La liberté en apparence laissée à nos dirigeants de disposer de ces ressources, ne saurait être interprétée comme un chèque en  blanc qu’on leur a remis encore moins un feu vert pour financer n’importe qu’elle dépense.

La revue des différentes lois des finances de la RCA nous autorise à dire que le fonctionnement de ce poste budgétaire, jusqu’à une époque récente n’a pas suscité de réactions particulières de l’opinion publique en raison du montant oscillant entre 100 et 200 millions de francs jugé raisonnable par la plupart des Observateurs.

Le dérapage s’est amorcé à partir de la loi des finances de 2015 encouragé en cela par le don de l’Angola qui a aiguisé des appétits. Le montant des Fonds spéciaux qui était de 225 millions de franc CFA en début d’exercice est passé à 900 millions à la faveur du collectif budgétaire.

Depuis l’avènement du régime Touadéra, on est  dans la démesure. De un(1) milliard de francs en 2016, les Fonds Spéciaux de la Présidence ont progressé de 136%  pour atteindre deux (2) milliards 364 millions de francs en 2019 après l’adoption du collectif budgétaire. Si l’on ajoute la dotation du Premier Ministre qui est de 1890 millions de francs, les Fonds Spéciaux affectés à l’Exécutif dépassent les 4 milliards de francs. Comparés aux Fonds secrets des régimes  précédents, les Fonds alloués à la Présidence TOUADERA ont été multipliés par dix (10) en quatre (4) ans.

La tentation est forte du côté de l’Exécutif de justifier cette augmentation par la situation sécuritaire du pays mais on peut objecter en disant que l’insécurité n’est pas l’apanage  du régime TOUADERA, les Présidents PATASSE et BOZIZE n’ont pus été épargnés. Si une faible portion est utilisée pour servir la cause de la paix, il y’a tout lieu de croire que l’essentiel des ressources est utilisé pour asseoir l’enrichissement illicite des princes qui nous gouvernent.

Les fonds spéciaux ne sont pas spécifiques à la RCA,  tous  les Etats modernes en sont dotés mais là où le bât blesse, c’est quand le montant est anormalement élevé, de surcroît utilisé pour des dépenses ostentatoires et personnelles. Il y’a un seuil à ne pas dépasser sinon en dépit des apparences de légalité  les fonds mobilisés dans ces conditions  sont considérés comme des détournements déguisés.

Prélever quatre(4) milliards sur les maigres ressources d’un pays comme la RCA incapable de satisfaire les besoins élémentaires de sa population ,est un véritable scandale.

En accédant à la demande injustifiée du gouvernement par le vote du Collectif budgétaire, l’Assemblée Nationale s’est rendue complice des détournements déguisés des deniers publics par l’Exécutif.

Nditifei Boysembé

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